Introduction
La gestion de la santé menstruelle constitue un aspect essentiel du bien-être, cependant, les personnes ayant une déficience visuelle (DV) rencontrent des défis spécifiques dans la gestion autonome de leur cycle menstruel. Contrairement aux personnes voyantes, celles en situation de DV éprouvent souvent des difficultés à déterminer le début et la fin de leurs menstruations, à savoir quand changer de protections menstruelles et à assurer leur hygiène dans les toilettes publiques. Ces obstacles peuvent entraîner de l’anxiété, de l’inconfort et une dépendance accrue à l’égard d’autrui, compromettant ainsi leur autonomie et leur qualité de vie. Bien que certaines stratégies aient été identifiées—telles que l’utilisation d’indices non visuels comme l’odorat et le toucher ou le recours au soutien des membres de la famille—, il subsiste une lacune importante en matière de recherche et de ressources adaptées à leurs besoins spécifiques. De plus, l’accès à une éducation menstruelle complète et accessible demeure limité, privant ainsi de nombreuses personnes DV des connaissances nécessaires pour gérer leur cycle en toute confiance. Cet article examine les obstacles rencontrés par les personnes menstruées en situation de DV, l’importance d’une éducation accessible, le rôle des technologies d’assistance dans la promotion de l’autonomie et propose des recommandations pour améliorer la gestion de la santé menstruelle au sein de cette communauté. En comblant ces lacunes, il est possible d’adopter une approche plus inclusive de la santé menstruelle, garantissant aux personnes ayant une déficience visuelle les outils et le soutien nécessaires pour gérer leur bien-être avec dignité et assurance.
Obstacles à une gestion saine des menstruations
Les personnes menstruées ayant une déficience visuelle (DV) rencontrent des obstacles uniques dans l'acquisition des compétences nécessaires à une gestion autonome de leur santé menstruelle. Parmi les défis les plus importants figurent la difficulté à identifier le début et la fin de leurs menstruations, ainsi que le moment où leur protection doit être changée (1). Certain·es auteur·es ont identifié des méthodes utilisées par les personnes menstruées ayant une déficience visuelle pour gérer ces tâches, telles que l'utilisation de sens autres que la vue (par exemple, l'odorat et le toucher), le fait de montrer leur serviette hygiénique à un membre de leur famille ou encore de porter des serviettes pendant un jour ou deux de plus que nécessaire afin d'éviter les fuites (2). Un autre défi majeur a été identifié dans l'utilisation des toilettes publiques (3,4). Les personnes menstruées ayant une déficience visuelle peuvent rencontrer des difficultés pour identifier l'emplacement de la poubelle dans la cabine, évaluer si les toilettes publiques sont propres et sanitaires, ainsi que localiser les entrées et sorties (5). Certain·es auteur·es ont proposé des solutions simples pour améliorer l'accessibilité des toilettes publiques pour les personnes menstruées ayant une déficience visuelle (DV) : peindre la poubelle et la porte d'une couleur distincte du mur afin qu'elles puissent être facilement identifiées par les personnes ayant une basse vision, et installer un lavabo dans chaque cabine pour faciliter l'accès et préserver l'intimité (6). Ces défis sont spécifiques aux besoins des personnes ayant une déficience visuelle et représentent des obstacles importants à leur autonomie en matière de soins menstruels. Pour cette raison, offrir une éducation menstruelle adaptée aux expériences des personnes atteintes de déficience visuelle est essentiel pour favoriser la confiance et l'indépendance au sein de cette population.
L'éducation menstruelle
Le besoin d'éducation
Les personnes ayant une déficience visuelle bénéficient de faibles taux d'éducation menstruelle, certains auteur·es évoquant que seulement un tiers des étudiant·es DV reçoivent une instruction formelle sur leurs soins menstruels (7). Ce manque d'éducation peut entraîner des défis importants dans la gestion autonome des soins menstruels, affectant potentiellement leur bien-être général, leurs interactions sociales et leurs expériences éducatives (8). Par exemple, une personne DV peut ne pas être consciente de la variété des produits menstruels proposés, car elle ne peut pas les voir clairement sur les étagères des magasins. Cela représente un obstacle pour identifier les produits qui répondraient le mieux à ses besoins. De plus, de nombreuses personnes DV expriment un inconfort à utiliser des produits internes, tels que les tampons, en raison d'un manque de compréhension sur leur fonctionnement (9). Sans les connaissances et les ressources nécessaires, les individus peuvent rencontrer des difficultés à accéder à des produits d'hygiène appropriés et manquer de confiance pour gérer leurs soins de manière autonome (10). En offrant une éducation menstruelle complète et accessible, les personnes ayant une déficience visuelle peuvent acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour gérer leur santé menstruelle en toute confiance, favorisant ainsi une plus grande indépendance, autodétermination et qualité de vie globale (11).
Les méthodes d'éducation
Plusieurs auteur·es ont recommandé des méthodes pour dispenser l'éducation menstruelle auprès des étudiant·es ayant une déficience visuelle. Gupta et Parimal (2023) soutiennent que l'éducation devrait commencer tôt, avant la ménarche, afin de s'assurer que les étudiant·es aient le temps de pratiquer et de se familiariser avec leurs compétences. McGregor et Unsworth (2022) suggèrent de mener l'éducation en petits groupes, où l'enseignant·e ou le professionnel de santé peut enseigner tout en permettant aux étudiant·es de partager et de normaliser leurs expériences personnelles entre eux/elles. Ils/elles recommandent également d'inviter un·e intervenant·e ayant une expérience personnelle de la déficience visuelle et des menstruations, ainsi qu'un·e spécialiste de la mobilité pour enseigner aux étudiant·es à naviguer dans les toilettes publiques. Les discussions interactives et le récit d'histoires peuvent améliorer la compréhension en contextualisant la santé menstruelle de manière relatable.
Pour garantir un succès optimal, les méthodes d'éducation devraient mettre l'accent sur les sens non visuels. Les méthodes pédagogiques peuvent inclure des matériaux audio-tactiles, tels que des poupées anatomiquement correctes, des sous-vêtements et des produits menstruels avec lesquels les étudiant·es peuvent pratiquer (12, 13, 14, 15, 16). McGregor et Unsworth (2022) Ils/elles recommandent également un apprentissage "main dans la main" lorsque les étudiant·es apprennent à utiliser des produits menstruels. En plus de la pratique directe, les éducateurs·trices doivent fournir des instructions verbales claires et descriptives pour s'assurer que les étudiant·es comprennent chaque étape du processus. De plus, l'inclusion de matériaux en braille, de guides audio et de groupes de soutien entre pairs peut renforcer l'apprentissage et créer un environnement plus inclusif (17). En adaptant l'éducation pour mettre l'accent sur des stratégies d'apprentissage non visuelles, les étudiant·es ayant une déficience visuelle peuvent développer confiance et autonomie dans la gestion efficace de leurs soins menstruels.
Des mécanismes pour réussir
La confiance en soi joue un rôle crucial dans la capacité des personnes menstruées aveugles à gérer leur santé menstruelle de manière autonome (18). La confiance en soi permet aux individus de tirer parti des systèmes de soutien externes, d'appliquer les connaissances acquises et de développer des compétences de vie essentielles. Un fort sentiment de conscience de soi et d'acceptation de soi contribue à une reformulation positive, permettant aux individus de répondre efficacement aux idées reçues et à l'insensibilité. Grâce à la confiance, les personnes menstruées aveugles peuvent affirmer leur autonomie tout en embrassant l'interdépendance lorsque cela est nécessaire (19).
L'indépendance est une préoccupation majeure pour les personnes menstruées aveugles, englobant à la fois l'autodétermination et l'autosuffisance (20). La capacité à prendre des décisions personnelles et à avoir des options parmi lesquelles choisir a été identifiée comme un aspect majeur de l'indépendance. Les participant·es ont souligné l'importance de pouvoir gérer leur santé menstruelle et leurs besoins en matière d'hygiène de manière autonome. L'accès à une éducation appropriée et à des ressources soutient leur capacité à compter sur eux-mêmes, renforçant ainsi leur sentiment de contrôle sur leur propre bien-être (21)
Bien que l'indépendance soit précieuse, l'interdépendance joue également un rôle crucial dans la gestion de la santé menstruelle des personnes VI. Être prêt·e à accepter de l'aide, à s'engager socialement et à se sentir inclus·e au sein de leurs communautés favorise un environnement de soutien (22, 23, 24). Encourager l'inclusion sociale et réduire la stigmatisation autour des menstruations peut aider les personnes menstruées aveugles à se sentir plus à l'aise pour demander de l'aide lorsqu'elles en ont besoin.
De nombreuses personnes menstruées aveugles reçoivent une éducation informelle sur les menstruations de la part de leur famille et de leurs ami·es, en particulier de leurs mères (25, 26, 27, 28, 29). Bien que ce soutien informel soit précieux, une éducation structurée et des services de conseil sont essentiels pour garantir que les personnes aveugles reçoivent des informations précises et complètes. L'accompagnement professionnel peut aider à aborder les aspects émotionnels et psychologiques des menstruations tout en favorisant à la fois l'indépendance et l'interdépendance (30, 31).
Des technologies d'assistance
Les applications de suivi des menstruations peuvent être des outils précieux pour les personnes aveugles et malvoyantes, les aidant à suivre leur cycle en enregistrant les dates de début et de fin ainsi que les symptômes (32; 33Les applications mobiles peuvent également améliorer l'indépendance en permettant aux utilisateurs·trices de commander des produits menstruels en ligne, ce que beaucoup considèrent comme une alternative plus autonome à la recherche d'aide dans un supermarché (34; 35). De plus, les applications qui aident à lire les emballages peuvent aider les utilisateurs·trices à identifier et à sélectionner les produits appropriés (36; 37Plusieurs autres technologies d'assistance soutiennent la santé menstruelle et les soins personnels. Par exemple, Be My Eyes est une application gratuite qui connecte les utilisateurs·trices aveugles et malvoyantes avec des bénévoles voyants qui peuvent les aider à identifier ou localiser des produits via une webcam. The RoomMate®, actuellement disponible au Royaume-Uni, est un dispositif mural qui fournit des descriptions audio personnalisées dans les toilettes accessibles, aidant ainsi les personnes malvoyantes à naviguer plus facilement dans ces espaces. Un autre outil utile est Aipoly, une application mobile qui utilise l'IA pour décrire des objets ou lire des textes à haute voix, offrant ainsi plus d'indépendance dans la vie quotidienne moyennant un abonnement de 5 $ par mois ou 50 $ par an. Ces technologies contribuent collectivement à une plus grande autonomie et accessibilité pour les personnes aveugles et malvoyantes dans la gestion de leur santé menstruelle.
Résumé
Les personnes malvoyantes font face à des défis importants pour gérer leur santé menstruelle de manière autonome, notamment la difficulté à identifier le début et la fin de leurs règles, à savoir quand changer leurs produits menstruels et à naviguer dans les toilettes publiques. L'accès limité à une éducation menstruelle complète aggrave davantage ces difficultés, laissant de nombreuses personnes menstruées malvoyantes sans les compétences et les connaissances nécessaires pour gérer leurs cycles en toute confiance. La recherche suggère que des approches éducatives adaptées—telles que des matériaux audio-tactiles, des discussions en petits groupes et des conseils de spécialistes de la mobilité—peuvent améliorer la littératie menstruelle et promouvoir l'indépendance. De plus, les technologies d'assistance, y compris les applications de suivi des règles et les outils de navigation alimentés par l'IA, offrent des solutions pratiques pour améliorer l'accessibilité et l'autosuffisance. Bien que l'éducation informelle de la part des membres de la famille joue un rôle dans le soutien des personnes menstruées malvoyantes, un enseignement structuré et des ressources professionnelles sont essentiels pour favoriser à la fois l'indépendance et l'interdépendance. Malgré les progrès dans l'identification des défis et des solutions potentielles, la recherche sur la menstruation chez les personnes aveugles reste limitée, notamment au Canada et en Europe. Des études supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les impacts sociaux, financiers et personnels de la gestion de la santé menstruelle pour les personnes malvoyantes et pour développer des politiques et des ressources plus inclusives qui favorisent la dignité, la confiance et l'autonomie.
Recommandations pour de futures recherches
Il existe un besoin important de recherches supplémentaires sur la menstruation chez les personnes aveugles et malvoyantes, en particulier au Canada, où peu ou pas d’études ont été menées. Bien que certaines recherches aient été réalisées en Europe, la majorité des études ont eu lieu en Asie, en Inde, en Afrique et en Australie. Les impacts sociaux, financiers et personnels de la menstruation chez les personnes aveugles—comme le fait de manquer l’école par crainte de fuites—restent largement inexplorés, ce qui souligne la nécessité d’études plus complètes pour mieux comprendre et aborder ces défis.