Parler de la puberté et des menstruations aux enfants peut être inconfortable. Cette anxiété peut être encore plus grande pour les parents d’enfants en situation de handicap cognitif, qui ne comprennent peut-être pas les changements de leur corps de la même manière que leurs pair.es. Cependant, des recherches émergentes dans ce domaine proposent des outils et des stratégies concrètes pour aider les jeunes vivant avec un handicap cognitif à comprendre et à gérer leur santé menstruelle avec le plus de dignité et d’autonomie possible. Notre objectif dans cet article est de vous fournir, en tant que personnes aidantes, des outils pour accompagner votre enfant dans ce parcours. Adapter les soins menstruels aux besoins individuels est essentiel, quelles que soient les capacités, afin de favoriser l’autonomisation et la dignité des personnes menstruées. Ce qui convient le mieux à votre enfant peut évoluer avec le temps et sera influencé par son environnement, sa personnalité, son âge physique, son âge développemental et son niveau d’indépendance.

Pourquoi devrais-je parler des menstruations à mon enfant ?

L’éducation menstruelle est un élément clé pour renforcer l’autonomie, l’empowerment et la dignité des personnes menstruées, quel que soit leur handicap. Si un enfant ou un.e adolescent.e ne possède pas les compétences et connaissances nécessaires pour gérer son hygiène personnelle et ses soins menstruels, cela peut limiter sa participation aux activités sociales et renforcer un sentiment de honte (1). Apprendre à un.e enfant ou un.e adolescent.e des pratiques sûres et respectueuses de sa dignité lui permet de gérer ses soins menstruels de manière aussi autonome que possible, favorisant ainsi sa santé et réduisant les sentiments de peur et de stigmatisation qui peuvent entourer les menstruations. Encourager l’autonomie menstruelle de votre enfant allège également la charge qui repose sur vous, en vous aidant à concilier les différentes exigences du quotidien. 

À quel moment devrais-je commencer à parler de menstruations à mon enfant ?

Le moment de commencer l’éducation menstruelle variera pour chacun.e, en fonction de l’environnement, de l’âge physique et de l’âge développemental. Des études suggèrent qu’il est préférable de commencer à enseigner certaines compétences dès le plus jeune âge, afin de préparer votre enfant à la puberté et aux menstruations (2). Nous réalisons que commencer ces conversations peut être stressant pour les proches aidant.es. Pourtant, de nombreux parents sont agréablement surpris.es de la manière dont leurs enfants en situation de handicap gèrent la transition vers la puberté et les menstruations (3). Commencer tôt donne à votre enfant le temps d’apprendre les compétences et connaissances nécessaires pour les soins menstruels, afin qu’il ou elle se sente plus à l’aise avec eux lorsqu’il ou elle commencera à avoir des règles régulières. Il peut falloir du temps pour développer ces compétences (parfois des années), mais les enfants qui apprennent les compétences liées à l’hygiène peuvent généralement aussi acquérir les compétences nécessaires aux soins menstruels avec un niveau d’indépendance similaire (4). 

Que devrais-je apprendre à mon enfant sur les menstruations ? 

Encore une fois, ce que vous enseignerez à votre enfant sera très personnalisé. Tenez compte de son âge physique, de son âge développemental et de son niveau d’autonomie actuel pour déterminer quelles notions privilégier. Vous pouvez également consulter ses enseignant.es, thérapeutes et professionnel.les de la santé. Pour identifier les compétences par lesquelles commencer, l’éducation menstruelle peut être divisée en trois catégories : les connaissances de base, les compétences concrètes et les compétences abstraites. 

Connaissances de base:
Les enfants et les adolescent·es devraient apprendre le consentement (5). Comprendre le consentement est essentiel pour assurer la sécurité et la dignité de nos enfants. Utilisez des termes anatomiquement corrects pour leur apprendre quelles parties de leur corps sont privées. Expliquez-leur la différence entre ce qui est approprié dans un espace public et un espace privé, comme une salle de bain ou une chambre. Donnez-leur les compétences et l’assurance nécessaires pour dire « non » à ce qui les met mal à l’aise. 

En ce qui concerne les menstruations, il est essentiel d’enseigner à toutes les personnes menstruées que les règles sont une partie normale et saine de la croissance, et non quelque chose de honteux ou effrayant. Les enfants et les adolescent.es devraient également apprendre, dans la mesure du possible et de manière adaptée, la signification reproductive des menstruations. 

Compétences concrètes :
Pour atteindre une autonomie dans la gestion des menstruations, les enfants et les adolescent.es devraient apprendre à utiliser les toilettes ainsi que des produits menstruels comme les serviettes ou les sous-vêtements menstruels. La plupart des enfants capables d’acquérir des compétences en matière d’hygiène peuvent également apprendre à gérer leurs soins menstruels avec un niveau d’indépendance similaire (6). Nous devrions également apprendre aux enfants à exprimer leur inconfort. Les personnes vivant avec des troubles d’apprentissage sont plus susceptibles de ressentir des symptômes du syndrome prémenstruel (SPM) que leurs pair.es non handicapés (7). Pour cette raison, il est important de s’assurer que votre enfant puisse vous dire lorsqu’il ou elle a mal, et que les personnes aidantes (comme le personnel soignant et les enseignant.es) sachent comment répondre à ces besoins. Pour les enfants non verbaux ou à communication limitée, exprimer la douleur ou l’inconfort peut se manifester par le fait de toucher leur ventre, se retirer socialement ou devenir agité.e. Certaines méthodes pour soulager cet inconfort incluent l’application d’une bouillotte chaude sur le ventre, des pauses de mouvement, des massages et des médicaments contre la douleur. Soyez attentif.ve aux signes d’inconfort et consultez un.e professionnel.le de santé pour connaître les meilleures façons de gérer les symptômes prémenstruels et menstruels de votre enfant. 

Compétences abstraites :
De nombreuses personnes en situation de handicap cognitif acquièrent les compétences pratiques liées aux soins menstruels, mais rencontrent des difficultés avec les compétences plus abstraites, comme comprendre quand il est nécessaire de changer leur produit menstruel. Nous avons aussi quelques suggestions à ce sujet ! Votre enfant peut porter une montre avec des alarmes réglées pour vibrer à certains intervalles afin de leur rappeler de changer leur produit menstruel. C’est une méthode plus discrète et autonome pour leur rappeler de changer leur produit, plutôt que de demander à une personne aidante d’annoncer « tu dois aller changer ta serviette ». Nous recommandons également qu’ils soient soutenus pour tenir un calendrier pour aider à prédire quand leurs règles commenceront et finiront, ainsi qu'un carnet pour suivre leurs symptômes de SPM. Ceux-ci peuvent être des calendriers et carnets physiques, ou être enregistrés dans un calendrier virtuel ou une application pour smartphone. 

De nombreux parents et personnes aidantes trouvent utile de créer une hiérarchie des compétences en distinguant les compétences « essentielles » et les compétences « appréciables » pour les soins menstruels de leur enfant. Par exemple, pour qu'une personne puisse gérer ses soins menstruels de manière autonome, elle doit être capable de descendre et remonter son pantalon. Nous considérerions cela comme une compétence « essentielle » et nous concentrerions sur sa maîtrise avant de passer à des compétences plus complexes. Une compétence « appréciable » pourrait être la capacité à identifier de manière autonome quand il faut changer un produit menstruel. Bien que cette compétence soit très utile pour favoriser l’autonomie, il pourrait aussi être réaliste pour une personne aidante de rappeler à la personne de se rendre aux toilettes et de changer son produit menstruel à intervalles réguliers. Par conséquent, nous considérons cela comme une compétence « appréciable » et ne la prioriserions pas au-dessus des compétences « essentielles ». 

Nous recommandons de permettre à votre enfant de s'exercer avec plusieurs produits menstruels au fil du temps. Tout comme les personnes non handicapées apprécient d'avoir des options pendant leurs règles, il en va de même pour les personnes en situation de handicap. Permettez-leur de s'exercer avec différents types et marques de serviettes et de sous-vêtements menstruels pour voir ce qui convient le mieux à leurs besoins. Beaucoup de personnes avec des troubles sensoriels trouvent que les sous-vêtements menstruels sont plus confortables que d'autres produits (8). Ils sont également faciles à utiliser et nécessitent moins de changements fréquents que les produits jetables, ce qui en fait un bon point de départ. Si cela est approprié, ils pourraient également essayer des produits internes tels que les tampons ou les coupes et disques menstruels.

Comment apprendre à mon enfant à gérer ses soins menstruels ?

Il existe de nombreuses méthodes et ressources pour enseigner les soins menstruels aux personnes en situation de handicap cognitif. Comme toujours, il est essentiel d'adopter un plan personnalisé – vous connaissez votre enfant mieux que quiconque (9)! Vous pouvez collaborer avec les enseignant·es ou les personnes aidantes de votre enfant pour créer un plan d'action en définissant une routine cohérente à suivre pour l’enfant. Un plan d’action peut garantir que votre enfant pratique ses compétences en soins menstruels de manière similaire à la maison et à l'école. Vous pouvez également offrir à votre enfant la possibilité d’interagir avec d’autres personnes dans une phase de vie similaire à travers des occasions sociales et des groupes de soutien. Les personnes ayant des handicaps intellectuels ont identifié le soutien par les pair.es comme l'un des aspects les plus importants pour apprendre les compétences en soins menstruels et se sentir à l'aise avec les changements de leur corps (10). S'assurer que votre enfant ait l'opportunité d'interagir avec d'autres personnes à un stade de vie similaire est essentiel pour favoriser son identité et réduire la stigmatisation qu'il ou elle pourrait ressentir autour des menstruations. 

Les histoires sociales peuvent aider à enseigner à nos enfants et adolescents ce que sont les règles, pourquoi elles se produisent et comment les gérer. Une histoire visuelle est une courte description d'une situation spécifique qui explique ce qu'on attend d'une personne et pourquoi. Elle utilise des mots simples et peut inclure des images si cela est utile pour votre enfant. Nous pouvons également utiliser le séquencement et les supports visuels pour enseigner des compétences spécifiques. Le séquencement consiste à décomposer une tâche en plusieurs étapes plus petites. Par exemple, nous pourrions séquencer le processus d'application d'une serviette menstruelle :

• Baisse ton pantalon et tes sous-vêtements autour de tes chevilles
• Assieds-toi sur les toilettes
• Ouvre la serviette menstruelle
• Retire le plastique à l'arrière de la serviette
• Place la serviette sur tes sous-vêtements de manière à ce que le côté collant soit contre les sous-vêtements
• Mets le plastique à la poubelle
• Remonte tes sous-vêtements et ton pantalon
• Lave-toi les mains

Un support visuel utilise un processus similaire de décomposition des étapes et ajoute des images simples comme repères pour chaque étape. Vous pouvez créer vos propres support en utilisant des photos chez vous et les laisser dans la salle de bain pour que votre enfant puisse les suivre. 

Certains enfants et jeunes bénéficient également de la possibilité de pratiquer les compétences en soins menstruels, comme l'application d'une serviette menstruelle, lorsqu'ils n'ont pas leurs règles et/ou sur des poupées anatomiquement correctes. Cela crée un environnement d'apprentissage positif et axé sur le jeu pour elleux.

Enseigner à votre enfant les compétences en soins menstruels peut sembler décourageant. Cependant, c'est une tâche enrichissante et importante, avec un grand potentiel pour améliorer sa qualité de vie.