Santé mentale et cycle menstruel

Estelle Beauclair
·
30 octobre 2024

Ce n’est pas un secret : lors de nos menstruations, nos émotions fluctuent en fonction de la phase dans laquelle nous sommes. En général, un cycle suit 4 étapes, mais avant de les détailler, il est fondamental de rappeler que ce sont des généralisations, des moyennes et que chaque cycle peut varier en fonction de la personne, des conditions de santé, des émotions vécues… En général, le cycle se déroule en quatre phases : lors de la phase des menstruations, l’irritabilité et les sautes d’humeur sont plus récurrentes; lorsque nous entrons dans la phase folliculaire, l’humeur s’améliore et nous ressentons un sentiment de renouveau. Puis, lors de la phase ovulatoire, le sentiment de sociabilité et d’extraversion augmente. Finalement, lors de la phase lutéale, les sautes d’humeur et l’irritabilité commencent à refaire surface, accompagnées d’une certaine sensibilité.

Le cycle menstruel influence donc nos émotions, mais aussi notre santé mentale.

Avant de rentrer dans les détails, il est important de souligner que les recherches dans le domaine de la santé menstruelle sont peu nombreuses, donc les connaissances restent malheureusement limitées. Par exemple, dans certaines études portant sur le syndrome prémenstruel, les personnes interrogées sur leur humeur ne pouvaient choisir que des options négatives pour répondre aux questions. Ainsi, cela montre un biais et une orientation dans la recherche qui est à prendre en compte (1).

  1. Exacerbation prémenstruelle

L’exacerbation menstruelle signifie que les conditions mentales et physiques d’une personne sont dégradées en phase prémenstruelle (2). Ainsi, pendant les derniers jours d’un cycle et parfois, les premiers d’un autre, des conditions de santé mentale préexistantes peuvent se retrouver affectées négativement (trouble bipolaire, trouble dépressif majeur chronique ou encore un trouble d’anxiété majeur) (3). Ajoutons aussi que les pensées suicidaires ou encore la planification d’un potentiel suicide s’aggravent aussi (4). Cette constatation n’est pas quelque chose de nouveau dans la recherche, mais à ce jour, ces recherches ont majoritairement porté sur la phase lutéale (la dernière phase de notre cycle, juste avant le début des menstruations).

  1. Syndrôme prémenstruel (SPM)

Nous entendons beaucoup parler du SPM de nos jours, et pas toujours positivement! Certaines personnes vont utiliser le SPM pour dégrader les personnes menstruées en invalidant leurs émotions : « ah non, mais tu es en colère, sans doute à cause de ton SPM, » mais la réalité est bien plus complexe (5). Regardons cela de plus près.

Clue définit le SPM comme un « ensemble de changements physiques, comportementaux et émotionnels qui surviennent pendant la période précédant les menstruations et qui se répètent à chaque cycle menstruel (ou presque) et affectent la « vie normale » d'une personne. ».” (6). Ainsi, le SPM est un spectre sur lequel des personnes menstruées vont se placer puisque les symptômes peuvent varier, allant de quelques douleurs journalières à des douleurs complètement paralysantes, et ce, pendant plusieurs jours (7). Le SPM n’est pas commun à toutes les personnes menstruées, donc certaines personnes vont expérimenter les changements et douleurs qui lui sont associés, alors que d’autres, non.

Lorsqu’on parle de SPM, les symptômes les plus courants sont l’irritabilité, la colère, les symptômes dépressifs, les pleurs et la tristesse étendue, l’hypersensibilité, le sentiment anormal de nervosité ou d’anxiété, une alternance anormale rapide entre colère et tristesse ou encore des difficultés à trouver ou maintenir le sommeil (8, 9).

D’ailleurs, on ne connaît toujours pas la cause principale du SPM chez les personnes menstruées. Certaines études théorisent que ce sont les changements hormonaux qui pourraient en être à l’origine (10).

Lorsqu’une personne expérimente des SPM sévères, ces derniers peuvent être qualifiés de trouble dysphorique prémenstruel.

  1. Trouble dysphorique prémenstruel (TDPM)

Le TDPM est un syndrome directement lié aux fluctuations des hormones de reproduction et va se faire ressentir pendant la phase lutéale tardive (11). Le TDPM a un impact très important sur le quotidien d’une personne menstruée. Ajoutons que le TDPM est considéré comme un diagnostic psychiatrique plutôt que gynécologique (12) puisqu’il a été ajouté à la section 2 du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) en 2013 (13). Selon le peu de chiffres disponibles, ce serait environ 6% des personnes menstruées qui expérimentent le TDPM (14). 

En ce qui concerne les symptômes, le TDPM peut prendre différentes formes comme des dépressions sévères, de l’anxiété et de l’irritabilité, des attaques de paniques récurrentes, des épisodes de pleurs et de tristesse profonde et un manque d’intérêt pour les activités habituelles et pour les autres ou encore des changements d’humeurs rapides et profonds (15). Le TDPM peut aussi aggraver les idées suicidaires de certaines personnes ou faire en sorte qu’elles vont tenter de planifier cet événement.

Malheureusement, le monde de la recherche n’a toujours aucune idée précise et concrète de l’origine du TDPM, mais des idées circulent comme la chute d’hormones (oestrogène et progestérone) ou encore la variation de la sérotonine au cours des cycles (16).

Il est aussi important de souligner qu’il y a des conditions préexistantes qui font que nous pouvons être plus enclin.es à avoir un TDPM, comme un trouble d’anxiété généralisée, des troubles dépressifs ou des antécédents familiaux (17). Ce qui pourrait aussi avoir une influence, ce sont les traumatismes vécus par la personne concernée ou des situations récurrentes extrêmement stressantes.

  1. Dépression en périménopause

Commençons par définir la périménopause : il s’agit de la période précurseur la ménopause, pouvant durer entre quelques mois et huit ans (18). Lors de cette période, les taux d’hormones fluctuent avant de diminuer continuellement. Les cycles menstruels connaissent alors des perturbations, jusqu’à disparaître (ménopause). La périménopause s’exprime à travers différents symptômes physiques comme des bouffées de chaleur, de la transpiration anormale, des troubles du sommeil, des changements d’humeur rapides et de l’ anxiété… (19). 

Sur le sujet de la dépression à la période de la ménopause, voici ce que l’on sait aujourd’hui : L’apparition de symptômes dépressifs durant cette période particulière pourrait être expliquée par la diminution des taux d’hormones (20). Ainsi, cela nous donne une piste de pourquoi les personnes menstruées dans le stade de périménopause connaissent un risque croissant de traverser une dépression sévère. Encore là, cette explication est une des seules puisque la recherche concernant les personnes menstruées plus âgées est très restreinte, ce qui est dommageable puisque ce serait environ quatre personnes sur dix qui ressentiraient des symptômes dépressifs durant cette période particulière.

Le diagnostic de la dépression en période de périménopause est souvent tardif puisque les symptômes physiques caractéristiques de la ménopause surviennent souvent après l’apparition des symptômes psychologiques (21). Ajoutons aussi que les personnes menstruées qui ont déjà traversé des dépressions et/ou qui sont sous traitement lors de la périménopause sont plus susceptibles de passer à travers une dépression périménauposale.

Que faire si je me pose des questions ?

Voici quelques conseils (non exhaustifs) si vous vous posez des questions sur votre cycle menstruel en lien avec votre santé mentale :

  • Parler à un.e professionnel.le avec qui vous vous sentez en confiance. Il est fort probable que cette personne vous propose de prendre un traitement - antidépresseurs ou pilule contraceptive - avec une approche d’essais (il se peut que cela prenne plusieurs tentatives pour trouver le bon médicament adéquat à vos symptômes) (22) ; 
  • Compter sur ses proches (famille, ami.es, conjoint.es…) pour pouvoir partager vos ressentis et avoir du soutien émotionnel sans jugement et/ou de l’aide au besoin (23) ;  
  • Ne pas hésiter à mettre en place des petites habitudes qui nous font du bien lors de cette période : pratiquer de l’activité physique douce dans le but de détendre le corps (marche, étirements, yoga), mettre en place des exercices de respiration guidée ou des périodes de méditation (24).
  • Un dernier conseil qui peut être intéressant dans le temps est de suivre et noter les symptômes avant et pendant les menstruations pour garder un suivi et ainsi pouvoir les rapporter aux professionnel.les adéquat.es (25). Ceci permet aussi de mieux comprendre son corps et ses émotions. Des applications sont disponibles à cette fin.